La Caumont la poule de Caumont l'Eventé
04 avr. 2014Une vraie poule normande
Malgré quelques récentes tentatives d’introduction, cette magnifique et imposante
volaille normande, pourtant présente dans les dernières éditions du standard suisse,
demeure fantomatique pour les éleveurs de volailles de notre pays. Fort heureusement,
grâce à l’acharnement de quelques passionnés français, elle survit toujours, parfois bien
loin de sa région d’origine…
Cette belle volaille est originaire de la petite ville de Caumont-l’Eventé située dans le
département du Calvados. Cependant, elle devait être répandue dans toute la Normandie,
preuve en sont les très anciennes descriptions de la poule du pays de Caux qui à une certaine
époque lui ressemblait étrangement. Outre la Normandie, le Maine, l’Anjou, jusqu’à la Loire
et même les terres quelques peu au sud de ce fleuve, la virent s’épanouir.
Royale
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette volaille n’est pas des plus courantes, tout
d’abord du fait de sa très faible diffusion, puis par la forme caractéristique de sa crête. En
effet, la tête de la Caumont est « coiffée » d’une crête en forme de couronne, attribut qui lui
valut, dans le Maine et l’Anjou, d’être dénommée race de « Saint.Louis », probablement en
raison de l’apparence « royale » que lui conférait cet attribut. Une petite huppe ou toupet
complète cette tête pleine de noblesse.
Une poule à deux fins
La Caumont est une volaille rustique, bien adaptée au climat humide de la Normandie. C’est
une poule d’herbage, très à l’aise pour chercher seule sa nourriture. De corpulence robuste,
elle possède néanmoins une ossature légère garante d’une chair fine et savoureuse, rivalisant
sur ce point avec des races réputées comme la La Flèche, la Crèvecoeur, la Houdan, la Bresse et la poule du Mans. Très médiocre couveuse, elle est en revanche bonne pondeuse, pouvant
produire jusqu’à 170 œufs blancs par an, d’un poids de 60 grammes. Ses poussins
s’emplument rapidement, sont très rustiques et s’élèvent sans problèmes.
Tel le Phénix…
Le standard de cette volaille a été créé en 1913 par le Caumont-Crèvecoeur club. Après avoir
disparu, ce club s’est reconstitué en septembre 1995. Outre ce dernier, plusieurs associations
l’on prise sous leurs ailes comme ; le club pour la sauvegarde des races avicoles normandes
(C.S,R.A.N. 1989-1990), le Conservatoire des races avicoles de Normandie et du Maine
( 1991) et en 2004, le Conservatoire pour l’élevage et la préservation de la basse-cour
normande. Il faut bien dire que la Caumont revient de loin. En effet, après avoir beaucoup
souffert suite à la seconde guerre mondiale, la Caumont selon la SCAF (Société Centrale
d’Aviculture de France) était en 1977, considérée comme éteinte.
Sauvée par un passionné
Cependant, en 1982, M. Jean-Claude Périquet entreprit de lui donner un nouveau souffle.
Pour ce faire, il utilisa un coq Crèvecoeur, race souvent comparée à la Caumont (alors que
leurs caractéristiques raciales au niveau de la tête sont totalement différentes…), qu’il
accoupla à des Gauloises noires. Il obtint en première génération des sujets à crête
intermédiaire et un coq du type Augsburger (une Caumont sans huppe). Puis il accoupla ce
coq Augsburger à des poules à crête intermédiaire, possédant également huppe et barbe. Il
toucha au but en deuxième génération. En effet, il obtint parmi des sujets hétéroclites, des
Caumonts et des Pavilly. A noter qu’à l’heure actuelle, mon lot de Pavilly donne parfois
naissance à des sujets dont la crête est très proches de celle de la Caumont…
Diffuser pour durer
Obtenir un résultat est une chose, le conserver en est une autre… Dès lors, plusieurs éleveurs
s’attelèrent à la tâche, au point que le club pour la sauvegarde des races normandes dénombra
en 1993, 9 éleveurs français de Caumont. Ce chiffre est « malheureusement » resté identique
selon les statistiques 1996. Lors du dernier championnat de France 2009 du club pour la
sauvegarde des races avicoles normandes, 7 Caumont ont été présentées (4 coqs et 3 poules)
par 4 éleveurs différents dont un Suisse…
Aspect général
Cette volaille de taille moyenne, possède un tronc long, large et cylindrique. Il faut en effet,
des sujets bien charpentés pour afficher des masses de 3,5 à 4kg pour le coq et 2,5 à 3kg pour
la poule. Le dos doit être légèrement incliné vers l’arrière, caractéristique que l’on retrouve
chez ses consoeurs normandes. Les pattes, bien dégagées, sont de couleur noir plomb, et
possède quatre doigts. Selon le standard français, les ongles doivent être de couleur noire, ce
qui n’est pas toujours le cas, la couleur corne ou grise ayant tendance à apparaître. Le
plumage de cette volaille est noir avec de beaux reflets vert scarabée ; toute trace de violet est
donc à proscrire. Les plumes doivent être larges et bien collées au corps.
La naine en procédure d’homologation
A noter pour les amoureux des diminutifs, que la Caumont naine est en procédure
d’homologation officielle depuis 1997, mais que pour l’heure, elle attend toujours son
acceptation au standard en raison du fait que toutes les conditions d’homologation n’ont pas
encore été remplies. La tête
Cette dernière est, à elle seule, un véritable réservoir à particularités. Jugez plutôt : la tête est
fine, légèrement aplatie et munie à l’arrière d’une petite huppe. La crête, principale
particularité de cette race, est en forme de couronne, finement dentée à la partie supérieure,
sans bouton de chair ou excroissance au centre. Un début de crête simple, qui ne se diviserait
qu’après la deuxième dent, serait synonyme de défaut grave. Il faut savoir que pour ce type de
crête, l’on punit de disqualification les mêmes défauts que pour une crête simple… Au vue de
la très faible diffusion et de la difficulté de cette race, il faudrait compter sur une certaine
« tolérance » dans son appréciation, mais cette remarque n’engage que moi… Les oreillons
sont blancs et les yeux doivent être rouge orangé et non bruns comme l’on en
rencontre encore beaucoup. Bien sûr, toute trace de barbe est à proscrire ; elle serait l’héritage du croisement avec la
Crèvecoeur. Un peu de génétique Pour ce faire, je me suis plongé dans l’excellent ouvrage de Gérard Coquerelle ; « Les
Poules diversité génétique visible » paru en 2000 aux éditions INRA (Institut National de Recherche Agronomique) pour en tirer ces
quelques lignes concernant la crête double en couronne.(Dc) Cette dernière est, outre pour la Caumont, l’apanage des races comme la Sicilienne
ou l’Augsburger. Elle est aussi due à un caractère à dominance et à pénétrance (1)incomplète, cette dernière se vérifie surtout chez
les femelles. Ainsi, si l’on croise un coq Caumontavec
une poule à crête simple, on obtient en
première génération (F1), des animaux avec deux types de crête. Le plus grand nombre est à
crête dédoublée juste à l’extrémité arrière de la crête, mais environ 20% des sujets présentent
une crête simple. (Somes, 1986-1991) En comptant les proportions de crêtes dédoublées et
simple par sexe, Somes s’est aperçu que tous les mâles avaient la crête dédoublée à l’arrière,
tandis que seulement 68% des femelles présentaient ce type de crête.
(1) La pénétrance est la probabilité de manifestation d’un caractère (chez un
individu ou une population). Elle peut être totale (cas de la plupart des gènes
dominants) ou incomplète. Dans ce cas, elle s’exprime en % par rapport au total
des observations. Sa situation en Suisse
A ma connaissance, elle est pour l’instant quasi inexistante dans notre beau pays, même si un
coq a été présenté (et disqualifié…) lors de l’exposition cantonale neuchâteloise de 2008.
Pourtant, si des éleveurs courageux s’y intéressent, la possibilité de la voir s’implanter chez
nous demeure réelle. En effet, grâce aux bonnes relations que le Club suisse des volailles
françaises entretient avec nos voisins et amis français, se procurer des œufs où des sujets
Caumont ne relève plus de l’exploit !
Un seul homme pour la faire connaître…
En guise de conclusion, j’aimerais citer une phrase de M. Henri Voitellier, tirée de « Toutes
les poules », ouvrage de 1924, écrit par Blanchon et Delamarre de Monchaux : « Cette
modestie (parlant de la Caumont) cache une des meilleures. Il ne faudrait qu’un homme pour
faire connaître ses qualités si complètes et si nombreuses ». Le Club suisse des volailles
françaises existe, il ne reste plus qu’à trouver l’homme ! A bon entendeur…
Pierre-Alain Falquet 2010